"Le Papi", Zvane Črnja, poète croate chacave (1920-1991)
Pourquoi si tôt
tu es allé sous la terre ?
Etais-tu fatigué ?
Avais-tu du sommeil ?
Tu dis,
le temps était pour toi
de partir,
parce que tu avais assez du travail fourni.
Assez de vignes tu as émondé,
assez de landes tu as défriché.
Ô combien de sentier as-tu parcouru,
combien de peines as-tu éprouvés.
Papi,
as-tu oublié notre chant croate ?
As-tu mémorisé
la vie notre de paysans ?
C’est une vie des serfs,
amère mais belle,
une vie des héros
auxquels appartient le monde.
Mais tu pouvais attendre, papi,
tu pouvais attendre la joie,
les chants et l’amour qui viendra.
Déjà bourgeonnent des rejetons dans nos forêts,
déjà volent avec un nouveau chant
de nouveaux oiseaux du Sud.
Le printemps nouveau se réveille.
La vie, papi, va couler.
La vie comme un fleuve vigoureux
va couler de nos veines…
Ce temps-là, je viendrai sur ta tombe
et je vais ramener un bouquet de giroflées qui sent bon,
et je te dirai :
dors papi,
dors en païx,
la terre est de nouveau à nous
- le soleil nous chauffe de nouveau.
Tes petits-fils vont labourer ta terre,
tes petits-fils vont faucher tes friches,
tes petits-fils vont boire de ta coupe
et vont garder ce que tu as élevé.
Ce que du rien tu as avec ton sang crée,
ce que du rien tu as avec ta peine érigé.